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Centrafrique : Chroniques douces-amères – 6

« Sans la liberté de blâmer, il n’y a point d’éloges flatteurs »(Beaumarchais)

 [Par Prosper INDO|Mis à jour|11/07/2014]

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L’évêché de Bambari attaqué : 23 morts.

 

Le lundi 7 juillet 2014, la cathédrale Saint Joseph de Bambari a été le théâtre d’une attaque qui a fait 26 morts, dont 11 femmes,  et 35 blessés graves. L’évêché abritait à ce moment là 12.000 personnes déplacées.

 

Les raisons de cette attaque divergent selon les témoignages. Mais il est vraisemblable qu’aux environs de 15 heures (heures locales), 40 à 50 hommes habillés en civil ou en treillis, armés de fusils et grenades, ont enfoncé le portail du lieu de culte et ont ouvert le feu dans la foule, indistinctement.

 

Les Sangaris appelés sur les lieux arriveront 4 heures plus tard, alors que les généraux de l’ex-Séléka seront sur place dans la demi-heure qui a suivi l’attaque. Qui les a prévenus ?

Apparemment, les « mesures de confiance » dont se vantent les forces internationales n’opèrent que dans un seul sens, en faveur des pyromanes-pompiers de l’ex-Séléka.

 

La ferme condamnation de l’archevêque de Bangui.

 

« Je condamne cet acte. Je pense qu’il est temps que la communauté internationale, qui a accepté de venir au secours en Centrafrique, puisse traiter avec sérieux, pour ne pas dire de rigueur, ce genre de comportement », a déclaré Mgr Nzapalainga à propos de l’attentat contre la cathédrale de Bambari.

 

Le courage de l’archevêque de Bangui n’étonne plus personne. Mais la voix de Dieu dont il est le porte-parole sera-t-elle entendue ? On en doute.

Tel Jean-Baptiste, Dieudonné Nzapalainga prêche dans le désert.

 

La valse à contretemps de Catherine Samba-Panza.

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Décidément, le Chef de l’Etat de la transition en Centrafrique joue de malchance.

Dans son « Adresse à la Nation » dans le style qui lui est si caractéristique, Mme Samba-Panza avoue avoir décidé que le désarmement des 3ème et 5ème arrondissements, les poudrières de Bangui, serait progressif. Elle justifie ainsi cette option stratégique : « J’ai voulu que ce désarmement se fasse sans exposer la vie des femmes et enfants dans ces quartiers et en préservant la cohésion nationale ».

L’attentat contre l’évêché de Bambari, après celui contre l’église Notre Dame de Fatima, devrait lui apprendre qu’on ne fait pas d’omelette sans casser des œufs.

En l’occurrence, ne pas agir en certaines circonstances est un crime … pour non assistance à personnes en danger.

 

Jean-Yves Le Drian « interdit » de séjour à Bambari.

 

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A l’occasion de son dernier séjour à Bangui, le septième depuis le début de la crise en Centrafrique, le ministre français de la défense devait se rendre le mardi 8 juillet 2014 à Bambari au chevet des soldats blessés de la Sangaris.

Ce déplacement a été annulé au dernier moment et M. Le Drian a regagné Paris, au prétexte de mauvaises conditions de vol sur zone.

On se doute désormais de la vraie raison de l’annulation de ce déplacement : les ex-Séléka n’ont pas désarmé et considèrent Bambari comme un territoire qui leur appartient. L’attaque de l’évêché de Bambari sonne donc comme une fin de non agrément.

 

Faudra-t-il désormais un visa pour s’y rendre ?

 

L’analyse stratégique des autorités de la transition.

 

Le Chef d’Etat de la transition a une analyse très particulière des évènements graves qui accablent le Centrafrique.

Dans son « Adresse à la Nation » au retour de la conférence de Malabo, elle considère que : « le véritable défi sécuritaire auquel se trouve confronté le gouvernement est celui du grand banditisme opéré par les milices armées qui font des braquages, érigent des barrières pour racketter les populations et commettent des crimes sur les innocents ».

On en revient ainsi à la théorie des coupeurs de route et autres « zaraguinas », très chère au défunt président Ange-Félix Patassé. On sait comment cela a fini ; le pays en paye encore le prix.

Désormais, le Centrafrique court un risque sécuritaire encore plus grave, la partition du pays entre ex-Séléka à l’est et anti-balaka à l’ouest.

 

A force de nier la réalité, elle finit toujours par vous éclater à la figure.

 

Un forum de la réconciliation nationale semble prématuré.

 

Selon le ministre congolais de la communication, « les parties prenantes au conflit en Centrafrique doivent se retrouver à Brazzaville, du 21 au 23 juillet, en vue d’« un forum de réconciliation nationale pour tenter de ramener la paix ».

La partie n’est pas gagnée ; l’architecture de cette conférence demeure pour l’instant floue et les préalables liés au cessez-le-feu non levés.

 

Dans ces conditions, on peut craindre que ce « dialogue politique au sommet » ne débouche sur un dialogue de sourds ; la base n’y étant pas associée, comme toujours depuis 20 ans.

 

Il suffit de relire l’ « Adresse à la Nation » de Mme Catherine Samba-Panza pour s’en convaincre.

 

Le Chef d’Etat de la transition doit mieux contrôler ses conseillers.

 

Le défunt président gabonais Omar Bongo avait coutume de dire : « c’est le président qui conseille les conseillers » !

Cette litote devrait valoir conseil à Mme Catherine Samba-Panza vis-à-vis de son cabinet.

 

Dans l’ « Adresse à la Nation » que les membres de ce cabinet ont rédigé à son intention, elle est affublée du titre de « Présidente de la république, Chef de l’Etat de la transition ». Pardon ! Ils ont tout faux.

En effet, aux termes des dispositions transitoires et finales de la Charte constitutionnelle de la transition, l’article 104 précise que « le Chef de l’Etat de la transition ne porte pas le titre de Président de la République. Il reste en place jusqu’à la prise de fonction effective du Président de la République, chef de l’Etat démocratiquement élu ».

 

A vouloir faire des entorses aux textes, on finit par oublier les principes

 

Un drame rappelle toujours un souvenir.

 

Le drame de l’attentat contre la cathédrale Saint Joseph de Bambari me remet en mémoire quelques souvenirs du collège Saint Paul des Rapides de Bangui où je fus admis comme interne.

 

Parmi les 56 élèves inscrits en 6ème classique long, dite 6ème Bleue, j’avais comme voisin de table un garçonnet de mon âge. Le jour de la rentrée, le professeur principal de notre classe, un prêtre mariste que nous appelions tous Frère Jean, invita chaque élève à se présenter afin de faire connaissance. Mon voisin se leva et déclina : « Je m’appelle Joseph Mazourendji, de la mission Saint-Joseph de Bambari ». J’ai hélas perdu sa trace en nos jeunes années.

 

A ce souvenir, j’espère que Dieu lui aura prêté longue vie.

 

Pourquoi un tribunal hybride à Bangui ?

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Pour juger les responsables des atrocités commises en Centrafrique, l’organisation non gouvernementale Amnesty International propose « la création d’un tribunal hybride composé d’experts centrafricains et internationaux pour juger les crimes de droit international et aider à renforcer le système judiciaire national ».

Cette proposition, très séduisante pour l’esprit, a le seul tort de bafouer la souveraineté de la RCA. Surtout, elle feint d’oublier que ce pays a été capable de juger et condamner l’ex-empereur Jean-Bedel Bokassa, selon les règles de droit et en respectant les prérogatives de défense de l’accusé.

 

La constitution d’un tribunal hybride n’a ici qu’un but, occulter la pusillanimité des autorités de la transition, sans volonté politique véritable.

 

A lire aussi : CriantCentrafrique : Chroniques douces-amères – 5

A lire aussi : Bouche cousueCentrafrique : Chroniques douces-amères – 7

 

Paris, le 11 juillet 2014

Prosper INDO

 



12/07/2014

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