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Centrafrique : Chroniques douces-amères – 7

 « Sans la liberté de blâmer, il n’y a point d’éloges flatteurs » (Beaumarchais)

 [Par Prosper  INDO|Mis à jour|15/07/2014]

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Evaluation du dispositif militaire français en Afrique.

 

Les députés français Gwendal Rouillard (PS) et Yves Fromion (UMP) ont présenté le 9 juillet dernier leur rapport sur l’évaluation du dispositif français en Afrique.

Concernant le Centrafrique, les deux parlementaires sont catégoriques : les 2.000 hommes de l’opération Sangaris n’ont pas d’appui dans le pays car, en dehors de Bangui, il n’y a pas d’Etat. Sur le terrain, les militaires français observent une confusion des genres entre lutte politique et banditisme ».

 

Un jugement clair qui devrait calmer les hommes politiques centrafricains qui jouent aux transfuges au gré de leur portefeuille.

 

Quarante-neuf micro-partis ne font pas une force politique.

 

Réunis jeudi 10 juillet 2014 à Bangui, les 49 partis politiques membres de l’alliance des forces démocratiques pour la transition (AFDT), héritière du FARE (front pour la reprises des élections, l’opposition à François Bozizé), ont exprimé le souhait de voir « l’avenir de la RCA discuté en Centrafrique ». Il envisage de ne pas se rendre au Forum de Brazzaville organisé du 21 au 23 juillet 2014.

Grand bien leur fasse : les cinq précédents dialogues ont tous été tenus à Bangui, avec les succès que l’on connaît. En mégotant de se rendre à Brazzaville, ils font la démonstration de leur incapacité à honorer une telle invitation, sauf à être pris en charge.

 

Démonstration est ainsi faite : 49 micro-partis ne constituent pas une force politique, ils peuvent tout juste jouer les gâte-sauces.

 

La longue marche vers la réconciliation est pleine d’embûches.

 

Le Forum de réconciliation nationale et de dialogue politique qui doit se tenir à Brazzaville la semaine qui vient est le début d’une longue marche, où les anti-balaka et les ex-Séléka seront invités à signer un accord de cessez-le-feu et de désarmement.

A l’issue de ce forum, un dialogue politique inclusif inter centrafricain s’organisera en deux temps : - un forum élargi à Bangui,

- des concertations régionales organisées dans les 16 préfectures du pays.

 

On voit mal des assises régionales se dérouler sous la conduite des commandants militaires nommés par le président démissionnaire Michel Djotodia. C’est le signe que le gouvernement de la transition n’a pas effectué son travail d’épuration.

 

Où l’on reparle de l’inévitable M. Cyriaque Gonda.

 

Le ci-devant président du parti national pour un Centrafrique nouveau (PNCN), Cyriaque Gonda, s’était déjà commis sous deux régimes politiques au moins. D’abord comme ministre d’Etat de la communication du président déchu François Bozizé, puis comme président d’un organisme virtuel, l’agence centrafricaine pour la réconciliation nationale sous la transition du président démissionnaire Michel Djotodia. C’est donc un spécialiste du dialogue et de la communication qui analyse la crise centrafricaine et ses perspectives de résolution : « la crise, elle est politique, la thérapie appropriée est politique. C’est les hommes politiques qui doivent être à côté d’un premier-ministre suffisamment impliqué », dit-il.

 

Dommage qu’en son temps, l’homme politique Gonda n’ait pas été suffisamment impliqué, vu les ornières dans lesquelles le pays se débat aujourd’hui.

 

Les « Rapaces » sont de retour !…

 

L’ex-alliance Séléka, dissoute en son temps par le président démissionnaire de la transition, Michel Djotodia, refait surface. L’assemblée générale du mouvement, réunie à Birao (Nord) ce week-end, a désigné un nouveau bureau politique. Le vote est sans surprise : tous les anciens caciques du mouvement refont surface, avec les mêmes aux mêmes places, aux mêmes rangs et dans le même alignement ; Djotodia, Nourredine Adam, Moussa Dhaffane, Zacharia Damane, Mahamat Ousman, etc. Dans cet attelage, le conseiller à la jeunesse du chef d’Etat de la transition, le nommé Abdoulaye Hissene, devient conseiller chargé du désarmement !

Les rapaces sont tous de retour. Chacun veut se refaire une virginité politique et sociale.

 

Espérons que pour faire amende honorable, ils rendront à leurs propriétaires respectifs les véhicules et autres biens mobiliers qui ont été volés et transportés au Tchad ou au Soudan alors qu’ils étaient aux affaires.

 

Et l’APRD refait parler de lui.

 

Des éléments de l’armée populaire pour la restauration de la démocratie (APRD) ont quitté Bozoum et pris la route en direction de Bangui pour « exprimer leur ras-le-bol aux autorités centrales ».

Au dernières nouvelles, les marcheurs, qui étaient une centaine au départ et se sont retrouvés des milliers à l’arrivée à Bossembele, ont été bloqués dans cette ville par une mission du ministère de la défense dépêchée depuis la capitale. La mission ministérielle a pour objectif d’écouter et de recueillir les doléances du mouvement, baptisé pour la circonstance « Destin et Révolution ».

 

Résumé des épisodes précédents : l’APRD est le mouvement rebelle qui a désigné Jean-Jacques Demafouth comme chef de file en vue du dialogue inclusif de Libreville. L’ancien ministre de la défense du défunt président Ange-Félix Patassé est actuellement conseiller à la présidence de la transition en charge du programme DDR et des relations avec les organisations internationales. Le même conseiller a fait l’objet d’un mandat d’amener délivré par le procureur de la République près le TGI de Bangui à la suite de l’attentat contre l’église Notre Dame de Fatima le 28 mai dernier.

 

Vous avez dit confusion des genres ?

 

Le camp des oies du Capitole se réveille.

 

Alors qu’elles se sont tues depuis des mois, les oies du Capitole, entendez par là la presse internationale,  donnent de la voix et proposent leurs voies de sortie de la crise en Centrafrique. En particulier, les partisans du partage du pouvoir entre musulmans et catholiques montent au front. Derrière ces partis-pris, il y a sans doute des ambitions personnelles qui se cachent. Aux uns et aux autres, nous conseillons de lire les Mémoires du général Charles De Gaulle. On ne se souvient pas que le libérateur de la France ait amnistié les « collabos ». Pétain est mort en prison à l’île d’Yeu et frappé d’indignité.

 

Alors que la justice n’a pas encore fait son travail de vérité, plaider l’amnistie n’est pas recevable.

 

André Nzapayéké droit dans ses bottes.

 

Dans une interview accordée récemment à l’hebdomadaire « Jeune Afrique », le premier-ministre centrafricain n’y va pas par quatre chemins. A la question, seriez-vous prêt à vous effacer pour faire place à un premier-ministre musulman, la réponse fut nette : « être musulman n’est pas une qualité. Pas plus qu’être chrétien. Il faut être prudent et ne pas institutionnaliser cet apartheid confessionnel qui menace la société centrafricaine… Que l’on arrête de nous pousser dans un sens qui risque de briser durablement la cohésion de notre pays ». On ne peut qu’être en accord avec André Nzapayéké qui, pour une fois, va à l’essentiel.

 

Certes le Centrafricain a perdu le droit au respect par la faute de ses politiciens, pas son droit à la dignité ! Il faut le faire savoir.

 

A Brazzaville, il s’agit de négocier un cessez-le-feu.

 

Le secrétaire général de la communauté économique des Etats de l’Afrique centrale (CEEAC), M. Ahmad Alam-Mi, a été très clair lundi 14 juillet dans une déclaration faite à Libreville : « le Forum de Brazzaville a pour but de « faire taire les armes et d’ouvrir la voie à un dialogue politique inclusif ».

Autrement dit, à Brazzaville, on cherchera à obtenir « un accord sur la cessation de toutes formes d’hostilité et de gestion consensuelle de la transition ». Il ne s’agit donc pas d’entamer un dialogue global inclusif. En soi, cet objectif est réaliste. Il ne faudrait pas aller au-delà et vouloir imposer des règles de gestion déséquilibrée de la transition en donnant une prime supplémentaire aux porteurs d’armes.

 

A Brazzaville, il s’agira de signer un cessez-le-feu, pas de former un gouvernement.

 

Les anti-balaka en donneur de leçons, pas possible !

 

Dans un communiqué à la phraséologie alambiquée, le « coordonnateur général » des anti-balaka, Patrice-Edouard Ngaïssona, appelle les hommes politiques centrafricains à renoncer à « la politique du ventre ». Il estime que Brazzaville est le lieu approprié pour les anti-balaka de signer un véritable accord de cessez-le-feu avec les ex-Séléka, et dénonce les hommes politiques « malhonnêtes qui risquent de faire sombrer la RCA dans une crise interminable, compromettant ainsi l’avenir de la nation en général et de la jeunesse en particulier ».

Entendre l’ancien ministre à la jeunesse et au sport de François Bozizé qualifier les hommes politiques centrafricains de malhonnêtes relève de l’auto promotion.

 

Comme dit l’adage populaire bantou, il n’y a qu’un sorcier qui puisse reconnaître un autre sorcier.

 

Lorsque l’enfant paraît.

 

Tous les écoliers connaissent ce poème de Victor Hugo dont les premiers vers sont porteurs de joie : « Lorsque l’enfant paraît, le cercle de famille applaudit à grands cris ». Tel ne sera certainement pas le cas pour la naissance d’un nouveau groupement politique en Centrafrique, le Groupe des partis politiques républicains, travaillistes et légalistes (GPP-RTL). Regroupant six formations politiques, dont le parti travailliste Kwa na Kwa du président déchu François Bozizé, le GPP-RTL considère que Brazzaville constitue « une occasion pour poser les bases des futurs dialogues censés se tenir en Centrafrique ». La formulation laisse dubitative et peut inquiéter quant à l’avenir de ces futures rencontres.

Entre l’AFDT (alliance des forces démocratiques pour a transition) et ses 49 partis membres, et les six qui composent le GPP-RTL, on est pas prêt d’entendre la suite de la déclamation :

«  Quand l’enfant vient, la joie arrive et nous éclaire.

On rit, on se récrée, on l’appelle, et sa mère

Tremble à le voir marcher ».

 

Hélas, le GPP-RTL ne marchera pas, les bonnes fées ne se sont pas penchées sur son berceau.

 

 

A lire aussi : Bouche cousue Centrafrique : Chroniques douces-amères – 5

A lire aussi :  Cool Centrafrique : Chroniques douces-amères – 6

 

Paris, le 15 juillet 2014

 

Prosper INDO

 



16/07/2014

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